Le Beffroi, dont l'imposante silhouette donne à la ville de Millau son aspect tout spécial, se compose de deux parties bien distinctes : La tour carrée, qui date de l'époque romane, et la tour octogonale, bâtie sur la précédente au XVIIe siècle.
Le vieux donjon, porte dans son style et dans ses formes son véritable acte de naissance. C'est un
donjon roman de la première époque, comme on en construisait alors dans le Midi de la France. On peut sans hésitation le faire remonter au XIe
siècle, et peut-être même à une date antérieure.
Les premiers vicomtes de Millau et du Gévaudan avaient placé dans la ville de Millau le siège de leur seigneurie, et le donjon
constituait le réduit de la forteresse. Sous son abri étaient groupés la Cour de justice, le bailliage et les principaux officiers. On ne peut
douter que cette résidence fût protégée par une enceinte renforcée par deux tours. Nous savons qu'au haut Moyen-Âge, la rue Droite portait le nom
significatif de rue des des Tours.
Mais, sous les rois d'Aragon, héritiers de la Vicomté de Millau, cette résidence est devenue secondaire,
et fut naturellement délaissée. Les circonstances de cette désaffection ne sont pas connues. On sait cependant qu'en 1218, le donjon faisait
encore partie du domaine royal.
Avant la fin du XIIe siècle, ces constructions furent amodiés ou inféodées à des nobles qui s'y sont établis.
Toutefois, le roi conserva les bâtiments de la Cour Royale, tandis que le donjon semble avoir été destiné aux baillis.
En 1292, le donjon
appartient à la famille noble BERNARD dont le chef Raymond BERNARD avait été investi bailli de la ville.
Le 15
octobre 1347, la veuve de Raymond BERNARD et son fils, endettés et sans ressources, vendent le donjon et leurs propriétés de Millau
à Raymond de VONCX. (Acte passé devant Hugues MALBOSC, notaire).
La famille de VONCX fut rapidement décimée par l'épidémie de peste noire qui suivit. Cette famille s'étant éteinte, ses biens furent vendues
aux enchères publiques.
Un acte du 4 avril 1382 nous apprend qu'à cette date, le donjon appartenait à la famille PELLEGRI. D'après cet acte, Jean GUY fait vente à
Guilhem PELLEGRI damoiseau, d'une maison et cour sise à Millau. Il est expliqué que cette acquisition est faite
pour faciliter l'accès à de la tour. La famille PELLEGRI l'a ainsi conservé, pendant plus de deux siècles, ce donjon incorporé dans son
importante résidence.
C'est en 1613 que le donjon fut vendu à la ville, et depuis lors, cet édifice fait partie du domaine communal.
A l'intérieur, la tour est divisée par trois étages de voûtes en berceau. L'intérieur des salles traité avec simplicité ne présente aucune
espèce d'ornementation tels qu'on le voit parfois : chambrales, clefs ornées, armoiries ... Elles ont plutôt l'apparence de corps de garde à
l'usage d'officiers subalternes ou de baillis. Les petits cabinets, pratiqués dans l'intérieur des murailles, et attenants à ces salles,
servaient de chambre à coucher. Ils ont été convertis plus tard en cellules de prisonniers.
Le samedi 1er juin 1613, entre 6 et 7 heures du soir, s'écroula en partie la cloche de l'église paroissiale. On fit aussitôt
retirer la grande cloche que l'on plaça dans la Maison Consulaire, dont le clocher fut exhaussé et où l'on mit également une horloge.
La demoiselle Margueritte de MONTCALM, veuve de Jean de PELLEGRI, offrit à la ville de lui vendre la Tour carrée,
ce qui fut accepté. En conséquence, le Conseil Municipal décida de faire cet achat au prix de 4.000 livres, afin "d'avoir un clocher pour mettre
la cloche et horloge, pour le contentement des habitants, afin que l'on puisse savoir et entendre les heures pour s'acheminer au temple, tant le
matin que le soir". L'acte fut passé en août 1613 et reçu par maître Daniel AUDOUIN, notaire. Du haut de la tour on lit :"Achetée en 1613 et
haussée en 1614. Consuls Gabriel Trauconis, docteur es-droit ; Abel Montels, sieur de la Blaquière ; sires David Caylus et Jean Vayssière,
marchands.
La cloche servit donc pour les fêtes civiles et religieuses. En 1659, Moïse BOUSCADIE était " garde
du clocher, geôlier des prisons et gouverneur de l'horloge."
La construction de la tour octogonale fut confiée au sieur Jehan FARRIERES, moyennant le prix de 1.200 livres, et fut
terminée en 1617, en 1619 se fit le "coubert de la tieulisse de la galerye" qui s'élevait à 50 mètres au-dessus du sol.
Dix ans après, lors de la démolition du château de Millau, où se trouvaient les prisons sigillaires, le bas de la tour Pellery, qui est composée
de deux voûtes, fut utilisé comme une prison.
En 1793 le traitement du sonneur de cloches de la ville, qui était de 40 francs fut porté à 70
francs "vu l'augmentation de denrées."
En 1825, quand les prisons du beffroi furent transférées à la maison d'Arrêt, il fallu nommer un
sonneur,
à la place du geôlier qui remplissait cet office. On nomma le sieur Jean LUBAC, appariteur à la Mairie avec le
traitement de 50 francs qui fut peu
a peu augmenté jusqu'à 200 francs.
Le 29 juillet 1811 la foudre tomba sur la flèche du beffroi. "Après trois jours d'un incendie, qui comme un fanal immense, projeta une clarté
terrible sur toute la vallée, la charpente et la partie supérieure du clocher s'écroulèrent, entraînant dans leur chute la cloche et l'horloge
communale." A de TAURIAC (Esquisses sur la vallée de Millau).
C'est donc de cette époque que date le couronnement actuel de cet édifice qui n'a plus maintenant que 42 mètres de haut.
La cloche actuelle
du beffroi date de 1873, elle pèse 35 quintaux et fut fondue chez Triadou, à Rodez. Elle fut baptisée le 31 mai 1873 par l'
abbé ROUQUETTE, délégué de l'autorité ecclésiastique qui lui donna de nom d'Espérance.
Le dernier garde et sonneur du Beffroi a été Emile PUEL, qui décéda en 1910, à l'âge de 73 ans. Toute sa vie, il
s'était consciencieusement
acquitté de ses fonctions qui consistaient à sonner "l'Angélus" tous les matins et le tocsin en cas de besoin.
Depuis lors la Tour
du Beffroi
est inhabitée. C'est aujourd'hui un monument historique que le touristes peuvent visiter.
Texte d'après "Millau à Travers les siècles" de Jules ARTIERES imp MAURY Millau.